(1902-1993)
Professeur à la Grande Mosquée ''Ezzeitouna'', il a été le secrétaire général et le fondateur du premier syndicat tunisien: le syndicat des enseignants- Nakabet al Oulama en 1933 (le syndicat dirigé par Mr El Hammi, la CGTT, qui n'avait pas fait long feu, était une branche de la CGT française).
Le Cheikh Mohamed Salah Ennaifer épaula Farhat Hached lors de la création de l'UGTT en 1946, fusionné le syndicat Zeitounien avec l'UGTT et exigea que soit nommé, président d'honneur à vie, un Cheikh Zeitounien; c'est ainsi qu'il désigna à ce poste, en accord ave Farhat Hached, le Cheikh Fadhel Ben Achour.
Il a présidé l'Association des Jeunes Musulmans - avec 114 cellules couvrant l'ensemble du territoire Tunisien -, cette association avait joué un rôle majeur dans la lutte pour l'indépendance et notamment par la mobilisation des masses pour assurer la défense de l'identité Arabo-musulmane afin de contrer les visées colonialistes de l'époque.
Il a fondé en 1947 des écoles pour les jeunes filles, ''L'école de la jeune fille musulmane ''Madraset Al Bint Al muslima" (maternelle,primaire,ensuite secondaire et supérieur- Fethia Mzali fut la 1ere diplomée du supérieur-),.
Les plus importantes de ces écoles de jeunes filles sont actuellement des lycées d'Etat comme celle d'Essarrajine/Bab El Mnara- en face du ministère de la défense nationale - et celle de Bab El Khadra- Avenue Béchir Sfar-,
fondé l'association de la Femme Musulmane "Assayidet Al Mouslimate"et bien d'autres activités qu'il serait long à énumérer toutes:
Il a assuré le logement gratuit pour des étudiants originaires de l'intérieur du pays , dispensé de cours gratuits d'alphabétisation pour adultes, fondé des équipes de football telles que la Jeunesse Musulmane du Bardo- JMB-, devenue le Stade Tunisien, l'avenir Musulman de la Marsa, la Maison du Nourrisson(, les Scouts Tunisiens ''kachafet Erraja'', etc ...
Il a été l'un des rares hommes en vue à refuser l'offre de collaboration avec les nazis, ce qui n'était pas le cas de beaucoup de Destouriens, au point d'avoir été condamné à mort par le chef des troupes allemandes: la sentence, par miracle, n'avait pas été exécutée sur décision du ministre allemand RAHN, alors de passage à Tunis, estimant qu'il ne fallait pas créer d'animosité envers les Allemands; à l'époque, ces derniers recrutaient des jeunes Tunisiens dans l'armée nazie par l'intermédiaire de Destouriens dont Rachid Driss, à qui ils ont financé un journal et fourni des aides financières pour les besoins de la cause allemande. Plusieurs cadres destouriens ont d'ailleurs fui le pays après la défaite allemande pour se rendre à Berlin avec l'aide du cheikh Husseini, imam de Jérusalem et allié d'Hitler.
Cheikh Fadhel Ben Achour, dans sa 7ème conférence, en 1956 (al islah azzaitouni) évoque la période de l'après-guerre: << alors que l'action du mouvement national était réduite à néant, Cheikh Mohamed Salah Ennaifer parcourait tous les centres du pays, animant les activités du mouvement national sous différentes formes.>>
Cheikh Mohamed Salah Ennaifer était devenu intouchable par les autorités Françaises (sans le savoir ; il ne le saura que beaucoup plus tard par des revelations d'un fonctionnaire), car dans les archives, que les Allemands n'ont pas eu le temps de détruire, le Général Allemand, dans son rapport, avait mentionné le refus de collaboration du président de l'Association des Jeunes Musulmans, malgré les propositions de la mise à sa disposition de la radio tunisienne, des aides financières et de toutes les facilités qu'il souhaiterait, en concluant dans son rapport qu'il était De Gaulliste !!! (devant le refus de collaboration, le Chef des troupes allemandes lui avait lancé " vous êtes De Gaulliste et le Cheikh répondit en disant" ceci ne vous regarde pas".)
Dans leur départ précipité, le fait que les les Allemands n'avaient pas eu le temps de détruire leurs archives- qui attestaient de la collaboration des Destouriens avec les nazis- fut une malchance pour eux, c'est pourquoi certains ont fui, aidés en cela par le Cheikh Husseini, imam d'el Qods et allié d'Hitler, et ceux qui n'en avaient pas la possibilité furent emprisonnés ou empêchés d'exercer toute activité.
Cheikh Mohamed Salah Ennaifer, bien qu'il était parmi les plus proches personnalités, les plus appréciées et les plus respectées par Bourguiba, il avait décidé de lui tourner le dos et de le combattre publiquement tout en déclinant, au lendemain de l'indépendance, des propositions de postes importants, ceci parce que Bourguiba avait renié tous les principes dont il se réclamait auparavant.
Il a refusé tout marchandage et tout compromis sur les principes, refusant également une invitation officielle pour se rendre aux États-Unis, formulée par le sous-secrétaire américain au Proche-Orient, venu en personne à son domicile au Bardo à bord d'un véhicule de l'ambassade arborant le drapeau Américain (j'en suis témoin pour lui avoir servi le thé, mon frère ainé Morthadha assurait la traduction);
après avoir décliné cette invitation officielle du gouvernement américain, il précisa au diplomate qu'il avait également décliné auparavant une invitation officielle du gouvernement de l'union Soviétique, signifiant ainsi à son interlocuteur qu'il rejetait toute hégémonie de ces deux grandes puissances et qu'il s'interdisait d'être instrumentalisé par une puissance étrangère.
Le refus de l'invitation officielle du gouvernement Américain avait eu pour conséquences, peu de temps après la visite citée,
- La saisie des écoles de la jeune fille musulmane et leur rattachement arbitraire au Ministère de l'éducation nationale.
- La dissolution de l'association des Jeunes Musulmans.
Au lendemain de l'indépendance de l'Algérie, il décida de se rendre dans ce pays frère, où il résida pendant sept ans, au début à Alger, puis à Blida et ensuite à Constantine où il a accompli, bénévolement, un travail extraordinaire d'éducation de masse, enseigné à la faculté de Constantine et refusé tout compromis avec les gouvernements successifs de Ben Bella et de Boumediene; ce dernier, bien que le Cheikh avait refusé de le rencontrer, avait donné des instructions strictes, afin que personne ne l'inquiète, par respect à son ancien professeur à l'université Ezzeitouna.
A son retour à Tunis, il a continué à s'opposer publiquement à Bourguiba, et quand ce dernier fut destitué, il a publiquement, par voie de presse et de tracts, appelé à refuser la signature du Pacte National et appelé et conseillé les dirigeants d'Ennahdha de faire de même; ces derniers l'ont non seulement signé, mais en plus, ils ont soutenu et glorifié Ben Ali.
Les conséquences, que tous les Tunisiens connaissent, ont été désastreuses pour des milliers de jeunes, majoritairement universitaires.
Les dirigeants d'Ennahdha devraient aujourd'hui faire leur mea-culpa, et s'ils sont vraiment sincères, cesser, fût-ce par tactique politique, de faire des concessions contraires au droit musulman unanimement admis par les plus érudits de nos "oulémas'' et des juriconsultes confirmés et agrées par leurs pairs.
Cheik Mohamed Salah Ennaifer, fidèle à ses principes, avait refusé les sollicitations indirectes de Ben Ali.
Aux jeunes Tunisiens de suivre son exemple et d'assurer la continuité de son combat de défense de la justice, de la liberté, de la dignité et contre l'imposture, le mensonge, la tyrannie et l'opportunisme, en méditant sur la sourate '' Vous étiez la meilleure nation sortie au monde, vous ordonnez le bien, vous combattez le mal et vous croyez en Dieu ''. Sadaka Allah al adhim.
Quand à la liberté de la femme, Cheikh Ennaifer a œuvré pour l'instruire en créant des écoles de jeunes filles ainsi qu'une association de femmes, présidée par son épouse, il y a de cela plus de 60 ans.
Instruire la femme était considéré par le Cheikh Mohamed Salah Ennaifer comme le meilleur moyen pour l'émanciper, et affirmait que l'Islam n'a jamais représenté un frein, bien au contraire.
Les deux dictateurs qui se sont succédés ne l'ont pas libérée mais plutôt dévoyée, et d'ailleurs, connaissez-vous des dictateurs qui accordent ou prêchent pour la liberté, si ce n'est de la propagande mensongère?
Chiheb-Eddine Ennaifer, overblog www.ennaifer.ch